La réaction tardive du Japon à la première Conférence internationale du Travail en 1919 et ses suites
Tamotsu Nishizawa  1  , Abe Takeshi  2  
1 : Teikyo University
2 : Kokushikan University

Cette communication entend expliciter la réaction du Japon à la première Conférence de l'OIT, en examinant les changements survenus et les améliorations apportées au statut des travailleurs jusqu'en 1929, année où la loi sur les usines de 1923 a été révisée puis imposée afin d'interdire le travail nocturne des femmes.

1919 est une année cruciale pour l'histoire japonaise du travail. Alors que le pays connait sous l'ère Taisho un temps de démocratie libérale, le célèbre économiste Fukuda Tokuzo, ancien étudiant de Lujo Brentano, s'oppose vivement aux sanctions prises contre l'Allemagne, de même que Keynes dans Les conséquences économiques de la guerre. Il porte en haute estime les conventions internationales sur la législation du travail, qui appelle d'ailleurs “la Magna Carta des travailleurs”.

Les rassemblements syndicaux étant alors interdits par les lois sécuritaires de l'époque, la représentation du Japon pour la première conférence de l'OIT devient un vrai problème de société. La sélection avait été amorcée par le Ministère de l'Agriculture et du Commerce,Takano Iwasaburo, un important professeur d'économie à l'Université de Tokyo, ayant été désigné. Mais Takano démissionne bientôt en raison des critiques envers le système de sélection, qui n'avait pas réellement tenu compte des avis de la fédération du travail. Takano démissionne aussi de l'Université de Tokyo et devient le premier directeur de l'Institut Ohara des Problèmes Sociaux fondé par Ohara Magosaburo en 1919, président éclairé de la Filature de Coton Kurashiki. Ohara est également le fondateur de l'Institut des Sciences du Travail, qui a enquêté sur la fatigue au travail, le mécontentement ouvrier, les aides sociales aux travailleurs, mais également les problématiques du travail nocturne des femmes.

Le représentant des patrons japonais est Muto Sanji, président de la Filature de Coton Kanebo, qui discourt sur les Employeurs et travailleurs ou la Constitution : comment celle-ci s'occupe de ses employés et travailleurs lors de la conférence.

Muto milite pour le système d'aides sociales dispensé au sein de sa compagnie : le bien-être des travailleurs ne doit pas se limiter aux heures travaillées, il s'accompagne également d'un système de pensions, d'assurances, d'éducation, et d'une véritable attention portée aux relations employeurs-employés. Ce discours est chaleureusement accueilli par l'Anglais George Barnes.

L'un des deux représentants du gouvernement japonais est en outre Oka Minoru, qui, en tant que directeur du Bureau du Commerce et de l'Industrie et collègue enseignant de Fukuda en politique sociale, avait fait partie du comité pour la législation internationale du travail mis en place lors de la conférence de la Paix. Il semble avoir été un véritable instrument de progrès social pour l'internationalisation de la protection des travailleurs au Japon, comme il l'écrit dans son article “Le travail comme problématique internationale” (1920). En 1922, alors que le Japon devient membre permanent de l'OIT, le Département des Services Sociaux est mis en place au sein du Ministère de l'Intérieur pour y contrôler les problèmes liés au travail. Ce service a conduit et promu les travaux préparatoires pour le Projet de Loi sur les Syndicats (qui aboutit en 1949) tandis que le Club Industriel Japonais du Zaibatsu enjoignait les hommes d'affaire à garder le mouvement sous contrôle, de peur qu'il conduise à la révolution socialiste.

Cette étude vise donc à mettre en lumière le rôle significatif de la législation internationale du travail au Japon.

 

 

ENGLISH VERSION

Late-comer Japan's Reaction to the First International Labour Meeting in 1919 and After

This paper aims to make clear how Japan reacted to the first ILO meeting and how the things here for social justice and international labour standards were changed and improved till 1929 when the revised factory act (of 1923) was enforced to prohibit the women's midnight work. 

In 1919, a critical year in Japan's labour history, Japan was in the midst of the democratic movement called Taisho Democracy. Then a leading economist Fukuda Tokuzo, studied under Lujo Brentano, was active. While he harshly attacked the Allied Countries' sanctions against Germany just like Keynes' Economic Consequences of Peace, highly appraised the international agreements on labour legislations, which he even called the Magna Carta for the workers. 

The union of workers was prohibited by the Security Police Act, and the labour representative of Japan for the first ILO meeting became a big social issue. The selection was initiated by the Ministry of Agriculture and Trade, and Takano Iwasaburo, a leading economics professor at Tokyo University, was appointed. But Takano resigned, because of criticisms against the selection process, not properly treating voices of the labour federation. Takano even resigned Tokyo University, and became the first director of Ohara Institute of Social Problems founded by Ohara Magosaburo in 1919, enlightened chairman and pioneering social entrepreneur of Kurashiki Cotton Spinning Company. Ohara also founded the Institute for Labour Science, which inquired the labour fatigue, unrest, workers welfare, including the problems of women's midnight working.     

Japan's employers' representative was Muto Sanji, enlightened chairman of Kanebo Cotton Spinning Company, who distributed Employers and Workers as well as Kanebo's Constitution: how it cares for its employees and workers at the meeting. Muto contended for company's paternalistic welfare system, the workers' happiness was not only working hours but pensions, insurances, education (including moral), and the employersemployees relations, addressing to organize the international employers federation for their enlightenment. Muto's appeal was warmly welcomed by George Barnes from UK.   

One of the two Japan's government representatives was Oka Minoru, who, as Director of the Bureau of Commerce and Industry and as colleague lecturer of Fukuda for social policy, had attended the international labour legislation committee set up by the pre-Peace conference. He seems to be instrumental for making a big step for Japan to be internationalized in the protection of labour, as he wrote in his paper of Labour as an International Problem (1920). In 1922, while Japan became a permanent council member of ILO, the Social Department was set up in the Home Office to control the labour problems here. The Social Department laid and promoted the groundwork for the labour union act (in 1949), whereas Japan Industrial Club of the Zaibatsu oriented businessmen kept in check the movement with the fear that it leads to socialist revolution. The paper aims to shed a light how and to which extent the international labour standard could have changed the relevant things in Japan.   


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