Par auteur > Machu Laure

L'OIT et le droit de la négociation collective
Laure Machu  1@  
1 : Institutions et dynamiques historiques de l'Économie et de la Société  (IDHES)  -  Site web
CNRS : UMR8533, École normale supérieure (ENS) - Cachan, Université Paris X - Paris Ouest Nanterre La Défense, Université Paris VIII - Vincennes Saint-Denis, Université Paris I - Panthéon-Sorbonne
Université Paris Ouest Nanterre La Défense bât T., bureau 218 200 avenue de la République 92000 Nanterre -  France

En ce qu'elles fixent des règles de procédures qui assurent la viabilité des négociations d'une part, et établissent des conditions de travail minimales d'autre part, les conventions collectives contribuent à établir la démocratie sociale et les droits qui lui sont attachés tout en régulant la concurrence. Comme l'ont montré les travaux de Claude Didry et d'Arnaud Mias sur le dialogue social européen, la négociation collective peut être le socle d'une politique sociale transnationale au service de la justice sociale[1].

Les travaux menés de longue date par les sociologues et plus récemment par les historiens permettent aujourd'hui de documenter et de comparer l'émergence puis les trajectoires des systèmes nationaux de relations professionnelles. Si les comparaisons soulignent la possibilité de convergences, cette historiographie s'est peu intéressée aux transferts, aux échanges et aux circulations entre les différents pays[2]. A l'inverse, les travaux portant sur l'OIT ont peu décrit l'action menée pour promouvoir la négociation collective, préférant se concentrer sur la réflexion et l'élaboration de normes en matière de protection sociale ou d'hygiène industrielle.

Cette absence reflète probablement le fait que la négociation collective n'est pas l'un des premiers domaines d'intervention de l'OIT. Le conseil d'administration du BIT commande en 1935 un rapport sur les conventions collectives, qui succède à la publication de plusieurs monographies, mais l'intention semble purement documentaire[3]. Si l'organisation s'intéresse aux conventions collectives, puisqu'elle y voit un outil pour faire appliquer ses propres normes à l'échelle nationale, aucune convention, aucune recommandation n'est adoptée durant cette période.

Ce désintérêt contraste avec les décennies de l'après-guerre. La déclaration de Philadelphie reconnaît l'obligation solennelle pour l'OIT de seconder la mise en œuvre de programmes propres pour la reconnaissance effective du droit de négociation collective. Le droit de négociation collective est donc l'un des droits fondamentaux défendu par l'organisation[4]. Jusqu'aux années 1980, 14 textes s'efforcent de garantir le droit à la négociation collective et d'édicter des normes afin que les négociations soient viables et efficaces.

A partir des fonds de la direction du travail du ministère du Travail français, des travaux publiés par le BIT et des comptes rendus de la conférence internationale du travail et du conseil d'administration du BIT, cette communication se propose de revenir sur l'élaboration de ces normes, les tensions qu'elle génère, les acteurs qu'elle sollicite. En s'appuyant sur les travaux cités, il s'agira aussi de se demander si les recommandations contribuent ou non à mettre en avant un modèle d'organisation des relations industrielles. La période examinée ira de l'entre-deux-guerres à la fin des années 80. Période clef pour la consolidation des fondements de la démocratie sociale, avant la crise qui affaiblit la représentativité et la capacité d'action des organisations syndicales, elle est aussi une période majeure pour l'histoire de l'organisation.

 


[1] Claude Didry, Arnaud Mias, Le moment Delors, les syndicats au cœur de l'Europe sociale¸ Bruxelles, Peter Lang, 2005.

[2] Voir entre autres : Laure Machu, Les conventions collectives du Front populaire. Constructions et pratiques du système français de relations professionnelles, thèse d'histoire sous la direction de C. Omnès, UPOND, 2011, Sabine Rudischhauser, Geregelte Verhältnisse. Eine Geschichte des Tarifvertragsrechts in Deutschland und Frankreich (1890–1918/19)0  Böhlau, Köln, 2017; Marcel Van der Linden, R. Price dir., The Rise and Development of Collective Labour Law, Peter Lang, 2000; Petra Weber, Gescheiterte Sozialpartnerschaft – Gefährdete Republik? Industrielle Beziehungen, Arbeitskämpfe und der Sozialstaat. Deutschland und Frankreich im Vergleich (1918-1933/39), Oldenburg Verlag, 2010.

[3] BIT, Les conventions collectives de travail, Etudes et documents, série A (vie sociale), n° 139, 1936.

[4] Claire La Hovari, Les droits fondamentaux au travail, origine, statut et impact en droit international, Paris, PUF, 2009. Voir aussi Bernard Gernignon, Alberto Odero, Horacio Guido, « Les principes de l'OIT sur la négociation collective », Revue Internationale du Travail, vol. 139, 2000.


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