L'histoire de la radioprotection témoigne de son internationalisation précoce. Dès le début du 20e siècle, les milieux professionnels de la médecine directement concernés par l'exposition aux rayons X se sont mobilisés à travers un certain nombre de rencontres internationales pour émettre des recommandations en matière de protection. Ces rencontres témoignent toutefois de l'ignorance relative des risques d'exposition aux rayonnements, à l'origine de nombreux accidents et maladies professionnelles. De cette première prise de conscience a émergé l'idée d'un seuil de dose tolérable d'exposition, qui n'a toutefois cessé de faire l'objet de contestations entre les experts de la radioprotection. L'OIT s'est dès les années 1930 intéressée à la question de l'exposition aux radiations, qu'elle a traitée dans le cadre de son action en matière de protection des travailleurs contre la maladie et les accidents liés au travail. Dans les années 1950, alors que les effets délétères des expositions professionnelles aux radiations commencent à être mieux connus, que le développement industriel de l'énergie nucléaire s'affirme et que les premiers accidents de centrales surviennent, l'OIT cherche à mettre en place des normes internationales de la radioprotection, efforts qui aboutissent en 1960, avec l'adoption de la convention n°115 et de la recommandation n°114 sur la protection contre les radiations. Dans cette contribution, nous étudierons les travaux de la commission d'experts de l'OIT à l'origine de ces instruments normatifs. Cette étudie constitue l'un des axes d'un nouveau projet de recherche portant sur l'internationalisation de la gestion du risque nucléaire du point de vue de la santé des travailleurs. Dans notre contribution pour le colloque, nous mettrons en évidence, d'une part, les fondements économiques et sociaux de la protection contre le risque nucléaire, tels que retenus par l'OIT. Nous insisterons, d'autre part, sur les oppositions et les différentes représentations sociales qui ont marqué les débats au sein de la commission, autour du développement de l'industrie nucléaire et du problème qu'il pouvait poser en termes de sécurité. Enfin, nous analyserons les méthodes de protection préconisées par les experts de l'OIT.
English translation
The history of radiation protection testifies to its early internationalization. Since the beginning of the 20th century, professionals directly concerned by X-ray exposure have been mobilized through a number of international meetings to issue recommendations against the risk of radiation. However, these meetings testify to the relative ignorance of the risks of exposure to radiation, which was the cause of many accidents and occupational diseases. From this initial awareness emerged the idea of a tolerable dose threshold for exposure, which has nevertheless been the subject of ongoing disputes between experts. Since the 1930s, the ILO has been concerned with the issue of radiation exposure, which it has addressed as part of its action to protect workers from work-related illness and accidents. In the 1950s, as the deleterious effects of occupational radiation exposures became better known, the ILO sought to establish international radiation protection standards, efforts that culminated in 1960 with the adoption of Convention No. 115 and Recommendation No. 114. In this contribution, we will study the work of the ILO Commission of Experts that participated to the elaboration of these normative instruments. This study is one of the main lines of a new research project on the internationalization of nuclear risk management from the point of view of workers' health. In our contribution to the symposium, we will highlight, on the one hand, the economic and social foundations of protection against nuclear risk, as adopted by the ILO. We will also highlight the opposition and the different social representations that marked the debates within the committee, around the development of the nuclear industry and the problem it could pose in terms of safety. Finally, we will analyse the protection methods recommended by ILO experts.