Par auteur > Gasnier Camille

Depuis le milieu des années 1990, l'organisation internationale de normalisation (ISO) – une association rassemblant des organismes publics, parapublics et privés de normalisation – réfléchit à l'opportunité de développer une norme internationale en matière de « management de la santé et de la sécurité au travail ». Ce projet suscite l'inquiétude d'acteurs gouvernementaux et intergouvernementaux, dont l'OIT, qui estiment que la définition des règles en matière de conditions de travail est une prérogative des « partenaires sociaux » et des pouvoirs publics. Malgré l'opposition de ces acteurs, le projet est finalement lancé par l'ISO en 2013, et donne lieu à la publication de la norme ISO 45 001 (« Systèmes de management de la santé et de la sécurité au travail. Exigences et lignes directrices pour leur utilisation ») en mars 2018.

A partir d'un travail de recherches en archives et d'une enquête par entretiens au sein de l'ISO et de l'OIT, cette communication propose de s'intéresser à la collaboration entre l'ISO et l'OIT pour l'élaboration de l'ISO 45 001. A travers l'élaboration de cette norme, les deux organisations proposent de s'entendre sur un objectif commun : promouvoir le contenu des conventions internationales de l'OIT. Cependant, au fur et à mesure du développement de la norme, l'OIT fait l'épreuve des règles de négociation de l'ISO et des principes qui guident l'élaboration des normes, à savoir l'élimination des obstacles techniques au commerce pour participer à la construction de marchés libres. La question de la participation des travailleurs au système de prévention, et plus largement à la gestion des organisations, est au cœur des débats.

Cette étude apporte un éclairage nouveau sur les difficultés et débats qui agitent l'OIT depuis une vingtaine d'années. L'étude de l'élaboration de la norme ISO 45 001 donne ainsi à voir une tentative de l'OIT de renouvellement de ses méthodes d'action, alors même que le contexte international tend à favoriser des organisations qui répondent aux injonctions du marché libre comme l'ISO, et qui reposent sur d'autres formes de gouvernance, de fonctionnement démocratique et de systèmes d'interventions.

« The ILO and the development of voluntary standards: the case of ISO 45001 »

Since the mid-1990s, the International Organization for Standardization (ISO) – a non-governmental international organization gathering public, parapublic and private national standardization bodies – considers the opportunity of developing an international standard on occupational health and safety. This project raised concern among governmental and intergovernmental organizations, such as the ILO, that advocate for social dialogue under the aegis of public authorities for such matters. In spite of this opposition, the ISO finally launched the project in 2013, resulting in the publication of the ISO 45001 standard (Occupational health and safety management systems – Requirements) in March 2018.

Based on a research work on archives and interviews with members of the ISO and the ILO, this presentation analyzes the joint effort of the ISO and the ILO for the development of the ISO 45001 standard. Through this project, the two organizations agree on a common objective: to promote ILO's standards. Nevertheless, as the work goes on, the ILO is confronted with the ISO consensus rules and principles, notably the need not to impose technical barriers to trade. Workers participation in the occupational health management system in organizations is at the heart of the debate between the two international organizations.

This case sheds a new light on debates and difficulties faced by the ILO in the past twenty years. The development of the ISO 45001 standard is an attempt for the ILO to find new way of actions. However, the international context is more favorable to an organization such as the ISO, that helps set the frameworks of free markets, and that is based on other systems of democracy, of governance, and that strives to change the life of organizations through other levers than the ILO.